Où aller faire sa L3 après avoir fait une Khâgne en province ou outre-mer ? A Paris ?

Voilà une question simple et très pragmatique qui va concerner dans quelques semaines de nombreux étudiants de CPGE. On pourrait ajouter derrière L3 les mots « histoire », « géographie et aménagement » « lettres modernes voire « philosophie » ou « anglais » que cela ne changerait pas grand-chose à la réponse.

La célèbre coupole de la Sorbonne a été construite au XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIII. C’est une chapelle, l’occasion de rappeler qu’initialement les universités européennes du Moyen Âge sont des institutions religieuses.

Paris ou Province ? Paris !

Une telle question ne se pose pas dans d’autres pays européens mais en France c’est la première vraie question qu’on peut décliner ainsi :

1. A-t-on les moyens financiers de se loger dans de bonnes conditions à Paris (pas trop cher, pas trop inconfortable et pas trop loin -donc avec un temps de transport journalier acceptable (à pied/ en trottinette/vélo/bus/métro/train ») ?

2. Et si oui a-t-on des chances d’être accepté dans une Université parisienne en L3 ?

Si c’est le cas, la provinciale que je suis (qui a fait 6 ans d’études à Paris -en en CPGE et 4 à l’ENS et en même temps à l’Université -Paris-IV- et Paris X-Nanterre) considère qu’on a tout intérêt à choisir cette option parisienne, parce que, dans un pays de 67 millions dont la métropole-capitale concentre plus de 11 millions d’habitants, on a une offre universitaire et culturelle exceptionnelle à Paris et elle n’est pas aussi développée en Province et encore moins outre-mer. (Nous proposerons un autre article concernant les études dans les Universités de province).

C’est une évidence historique et démographique qu’on ne peut pas nier ! Dans un pays qui n’est pas centralisé, le système universitaire est différent (voir L’enjeu de la connaissance : l’exemple des Universités allemandes).

Paris conserve une partie des professeurs et chercheurs (recrutés parmi ceux qui ont étudié sur place) en plus d’attirer des étudiants et des professeurs venus de Province et de l’étranger) (voir aussi l’article France, métropole, hexagone, décolonisation… quand les mots se dérobent ?). C’est une métropole de rang mondial notamment à cause de cette attractivité sur le plan culturel. Ce serait dommage à 20 ans de ne pas pouvoir profiter un minimum de cette offre si l’on en a les moyens matériels; intellectuels, l’ambition et la curiosité !

La Sorbonne (au singulier) y a disparu depuis 2 générations mais tout le monde ne le sait pas !

Mais ce qui est difficile pour un étudiant débutant et/ou provincial c’est qu’il croit qu’à Paris il y a « La Sorbonne… » mais c’est juste qu’on ne lui a jamais expliqué qu’après les « événements de 1968 » (cela fera bientôt 60 ans donc plus de 2 générations) la Sorbonne a explosé en 13 morceaux pour, faire face à la fois à la massification des effectifs d’étudiants puis plus tard à la massification du Bac qui a encore gonflé les effectifs a créé de nouvelles Universités en périphérie.. Et , beaucoup plus récemment, au tournant des années 2020, on est en train de regrouper ces Universités et morceaux de l’ancienne Sorbonne avec différents organismes (Grandes Écoles, organismes de recherche…) en leur donnant de nouveaux noms, chacun cherchant à mettre dans ce nom « Paris » et « Sorbonne » et d’avoir une coupole si possible dans son logo !

Il existe donc une sorte de compétition de marque et les sites institutionnels « sons et lumières » n’aident pas beaucoup à savoir où aller s’inscrire, sans compter que les formations sont présentées en fonction d’un référentiel de compétences mais non en détaillant le contenu de ce qu’on étudie .

Mais ce qui est pire encore c’est qu’une offre privée d’enseignement supérieur se développe aussi notamment à Paris en jouant sur ces images (ces écoles ne peuvent utiliser le mot « Sorbonne » qui signe donc une institution publique où le coût des études est limité)

Les 13 Universités issues de la Sorbonne et leur localisation initiale

Pour y comprendre quelque chose reprenons les 13 « morceaux » (qui jusqu’à il y a peu étaient 13 Universités différentes et leurs localisations, en nous contentant de nous intéresser aux « morceaux » où l’on peut étudier les lettres, langues et sciences humaines. (voir La Sorbonne à l’heure du classement de Shanghai : un peu de débroussaillage)

Le concret : où précisément à Paris va-t-on étudier et où va-t-on se loger et comment se déplacer ?

Pour un géographe (mais aussi un étudiant et aussi ses parents qui doivent financer tout ou partie de ces études) le plus important est d’abord de savoir vraiment avant de postuler :

  • où l’on va étudier (quelle rue, quel bâtiment, quel arrêt de métro, de bus ou de RER, à Paris ou en banlieue),
  • où l’on va pouvoir se loger (quel arrondissement de Paris ou quelle commune de banlieue)
  • quel temps de transport entre les deux et avec quel moyen (sachant que la voiture n’est pas une option à Paris pour un étudiant ni le plus souvent les deux roues motorisés: il reste la marche à pied, la trottinette et le vélo (à déconseiller), bus, métro, RER, train de banlieue).

Car faire des études supérieures entre 18 ans et environ 23-25 ans, n’est pas seulement pouvoir passer un moment plutôt cool, c’est aussi espérer faire une formation supérieure qui permettra plus tard, dans notre vie d’adulte, d’avoir un emploi mieux payé, plus évolutif, plus intéressant, qui nous permettra d’habiter et de travailler dans un lieu plus agréable que si on avait cherché tout de suite un job d’appoint sans qualification près de chez soi et à temps partiel et sans consacrer ni temps ni efforts à faire des études supérieures.

Or toute les formations supérieures ne se valent pas et ne sont pas également monnayables sur le marché du travail. Il faut donc se renseigner sur les points suivants :

  • quel diplôme va-t-on préparer (et quels sont les poursuites possibles en Master ou autre) et quels professeurs y enseignent (leur titre, leur notoriété comme professeurs, auteurs et chercheurs). Tout ce qui est « Licence » et « Master » s’insère dans le dispositif européen d’ECTS mais des diplômes comme les « Bachelors » ne sont pas reconnus en Europe (cela fait chic car le nom est anglais) et les « DU » (diplôme d’Université ne sont labellisés que par l’Université qui les propose. Certains représentent un vrai dans un CV, d’autres ont moins d’attrait.

Les images emblématiques de la Sorbonne

La Sorbonne est le nom de l’Université la plus ancienne du royaume de France, fondée à Paris au milieu du XIII e siècle dans ce quartier au sud de la Seine qu’on appelle aujourd’hui le « Quartier Latin« . Elle tire son nom du clerc qui l’a fondée : Robert de Sorbon. Cependant les locaux qu’elle occupe aujourd’hui ne remontent pas au Moyen Âge.

Un petit plan simplifié du cœur de Paris avec le Quartier Latin (Ve arrondissement) sur la rive gauche de la Seine et les différents bâtiments de la Sorbonne : le bâtiment historique entre la rue Saint-Jacques, la rue des Écoles, le boulevard Saint-Michel et la rue Cujas ; la Faculté de Médecine vers l’Odéon, la Faculté de Droit place du Panthéon, la Faculté des Sciences à Jussieu près du Muséum. (voir aussi l’article Le cœur de Paris : déchiffrage ?)

Les bâtiments d’enseignement du Quartier Latin sont beaucoup plus récents et présentent cette allure (ici la façade rue Victor Cousin) marquée « Sorbonne, Université de Paris » (qu’on n’a pas effacé alors que cette organisation n’a plus d’existence)

Ces bâtiments remontent à la fin du XIX e siècle (aux années 1880). Un architecte, élève de Charles Garnier (l’architecte qui a imaginé l’Opéra de Paris sous le Second Empire au moment où le baron Haussmann conduit des travaux considérable de rénovation de Paris), Henri-Paul Nenot, propose ce bâtiment d’un style assez classique (et non néo-gothique comme le sont à l’époque les collèges anglais) qui s’intègre bien dans l’architecture du Paris haussmannien avec ses immeubles de six étages.

La Sorbonne, rue Saint-Jacques dans le Ve arrondissement (le Quartier Latin) sur la colline Sainte-Geneviève. Au fond la tour Saint-Jacques.
Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne

La Sorbonne est notamment réputée à l’étranger pour ses très beaux amphithéâtres avec des sièges en bois, des fresques murales et sa bibliothèque à l’ancienne.

Un des amphithéâtres de la Sorbonne : l’amphithéâtre Richelieu
Le site de la Chancellerie des Universités de Paris qui vous propose la location du Grand Amphithéâtre de la Sorbonne (inauguré en 1889) pour vos manifestations de prestige : https://www.sorbonne.fr/la-sorbonne/location-espaces/grand-amphitheatre/

Le schéma simplifié de l’éclatement de la Sorbonne

Si on simplifie, avant les événements de mai 1968, la plupart des étudiants en lettres, langues et sciences humaines sont dans le bâtiment historique de la Sorbonne entre la rue Saint-Jacques, la rue des Écoles, la rue Cujas et la place de la Sorbonne.

Mais place du Panthéon on a les juristes ; dans l’ancienne école de médecine près de l’Odéon les étudiants en médecine ; les scientifiques ont construit des laboratoires et des salles de cours près du Museum d’histoire-naturelle et il existe une annexe à Nanterre à l’Ouest de Paris qui a vu le jour en 1964.

Rappelons que Nanterre a été le lieu où pendant les Trente Glorieuses s’est mis en place un immense bidonville avant que la construction de logements sociaux ne parvienne à le résorber.

A cette époque, le boulevard périphérique (qui occupe l’emplacement des glacis près des anciennes fortification n’est pas encore construit : cette autoroute à 2 X4 voies qui fait le tour de Paris remonte au mandat du Président Pompidou (1969-1974) : il est inauguré en 1973).

Pendant longtemps la vie intellectuelle française et notamment n’a pas dépassé le périphérique !

La création de 4 Universités nouvelles en région parisienne en 1991 est liée à la croissance démographique de la banlieue parisienne. On a ainsi 4 nouvelles Universités correspondant aux 4 « villes nouvelles »

  • celle de Cergy-Pontoise (Val d’Oise) (1991)
  • celle d’Evry-Val d’Essonne
  • celle de Saint-Quentin en Yvelines-Versailles
  • celle de Marne-la-Vallée

Les bâtiments de l’Université de Cergy-Pontoise

La restructuration récente du système pour constituer de grosses universités ayant un plus grand rayonnement international.

Depuis 2006 la France a tâtonné en essayant de regrouper ses universités en PRES (Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur) mais le sigle était incompréhensible. Puis elle a inventé les ComUE (Communautés d’Universités et d’Établissements) en 2013 qui regroupent à la fois des Universités et d’autres types d’établissements (autre sigle incompréhensible à l’étranger).

Au final entre 2010 et 2020, les 13 Universités parisiennes et les 4 universités nouvelles se sont regroupées d’une manière complexe

Au final on a désormais 11 sites Internet d’Universités publiques à consulter si on veut savoir où s’inscrire en L3 !

Un petit tableau récapitulatif de l’évolution institutionnelle (à la dernière ligne il faut lire Paris XIII)

La fragmentation initiale résulte en partie d’une querelle idéologique entre des Universités un peu « gauchistes » après 1968 et d’autres plutôt « réacs » (pour dire les choses sans mettre les formes). Comme les professeurs s’y sont largement cooptés elles ont souvent gardé cette tonalité même si le monde a changé en deux générations. Leur affichage dans son design et son discours n’est pas le même.

D’autre part les locaux historiques prestigieux, ceux qui font rêver les étrangers à la fois près de la place de la Sorbonne et près du Panthéon ont été coupés entre plusieurs Universités qui ne voulaient pas se retrouver exclues du Quartier Latin, c’est le cas du début de la liste Paris I Panthéon-Sorbonne (où l’on fait du droit et des lettres, de Paris II qui est en fait la Fac de Droit et Sciences Politiques (dont la plupart des locaux se trouvent de l’autre côté du parc du Luxembourg rue d’Assas).

Paris III est appelée « Sorbonne Nouvelle » (dont le siège est toujours sur place dans le bâtiment historique) mais dont les cours étaient dispensés à « Censier » (dans le Ve mais ce campus est actuellement en réfection), à Nation (XIIe) et Aubervilliers (banlieue Nord).

Le bâtiment de Censier

Pour ne pas mélanger ces établissements il est impératif de bien identifier leur logo et leur nom mais cela reste difficile à comprendre

Sorbonne Université : l’héritière des facultés classiques sauf le droit

Sorbonne Université : https://www.sorbonne-universite.fr/#Lettres

PSL Université Paris : une agrégation de Grandes Ecoles du Quartier latin

https://psl.eu/universite

Sorbonne Nouvelle

Sorbonne nouvelle : http://www.univ-paris3.fr/

Il y a 3 UFR qui peuvent intéresser un Khâgneux   :  arts et cinéma, littérature et linguistique, langues étrangères. On y trouve aussi l’Institut d’études européennes (IEE), l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL), l’École supérieure d’interprètes et de traducteurs (ESIT) et l’Institut de linguistique et phonétique générales et appliquées (ILPGA).

Panthéon Assas Université : droit et sciences politiques

https://www.assas-universite.fr/fr/universite (la photo montre la tour Eiffel à l’arrière-plan)
Panthéon-Assas ne fait que du droit et des sciences politiques : https://www.assas-universite.fr/fr

voir aussi l’article Étudier le droit en France aujourd’hui ?

Au passage un Khâgneux (même bardé de ses 120 ECTS peut très bien imaginer changer d’orienter et demander son inscription en 1ère année de Licence en droit. Certes il a « perdu » 2 ans (donc il a 20 ans et non 18 comme ceux qu’il va retrouver à côté de lui dans les amphis de droit) mais au moins il sait travailler, son écrit est plus structuré. Il a des chances, s’il travaille et si cela l’intéresse, d’être rapidement un bon étudiant en droit ce qui lui permet d’espérer ensuite soit devenir magistrat, avocat, professeur de droit, soit de passer des concours administratifs de type INSP (le nouveau sigle de ce qui s’appeler avant l’ENA) (et d’avoir beaucoup plus de chances de les réussir que s’il passe par le dispositif de discrimination positive des « prépas Talents »).

Parce qu’en vérité, on devient bon dans les études quand on y met plus de temps, qu’on est entouré d’étudiants plus performants et quand on est au cœur de ce qui est le plus coté au niveau français plutôt que de bachoter sur un concours très difficile en espérant des places réservées

L’Université de Paris Cité avec un sigle qui simplifie la tour Eiffel

Université Paris Cité : https://u-paris.fr/qui-sommes-nous/

Elle associe des forces exceptionnelles en santé, en sciences fondamentales et appliquées, et en sciences sociales ce qui lui permet de répondre aux défis sociétaux tant par sa recherche que par sa formation (crise environnementale, santé globale, émergence maladies infectieuses).

Cette très grosse université qui est surtout une Faculté de médecine et dont le siège est dans la VIe près de l’Odéon (boulevard Saint-Germain). Elle propose cette carte intéressante (mais sans échelle)

https://u-paris.fr/nos-sites-et-campus/

La carte qu’elle propose est intéressante car elle localise les grands hôpitaux universitaires d’application et un nouveau campus, celui des Grands Moulins dans le XIIIe arrondissement qui peut être intéressant pour un Khâgneux (on y fait des sciences humaines, des lettres et des langues) (voir aussi l’article L’INALCO Institut National des Langues et Cultures Orientales : décryptage pour Khâgneux )

Ce quartier d’entrepôts, très dégradé il y a 40 ans, où les étudiants de premier cycle de Paris Sorbonne devaient aller suivre des cours dans un bâtiment déglingué appelé « Tolbiac » s’est totalement métamorphosé depuis l’ouverture de la Très Grande Bibliothèque en 1988 pour devenir un nouveau quartier à la fois étudiant et résidentiel qui semble bien organisé et agréable. C’est un quartier qui s’appelle « Paris Rive Gauche » (une dénomination trompeuse puisque cela ne désigne que ce quartier de la TG Bibliothèque).

N.B. Pour un étudiant à Paris, l’Institut mutualiste Montsouris peut être une adresse pertinente (c’est un hôpital de taille moyenne situé sur le boulevard de Grande Ceinture à côté du site Jourdan de l’ENS et en face de la Cité Universitaire Internationale) (sans dépassement d’honoraires)

Il existe certes une médecine préventive pour tous les étudiants (sans avance de frais) avec des antennes dans le VIe (Odéon), XIIIe (Grands Moulins et Tolbiac), XIIe (Nation), XVe (Saint-Charles), XVIe (Dauphine) mais on peut aussi prendre un rendez-vous dans ce genre de structure (parce qu’un étudiant est certes étudiant mais, quand il ne vit pas chez ses parents, c’est aussi un adulte doté d’une carte Vitale et d’une mutuelle étudiante qui doit s’occuper de sa santé comme un adulte, en veillant lui-même à faire vérifier sa vue, ses dents, à être à jour de ses vaccins, à avoir un suivi gynécologique et à se rendre chez un médecin généraliste quand il est trop mal fichu pour aller en cours (et doit être arrêté)/

S’il a besoin d’un suivi particulier avec des spécialistes (ex. pneumologie, diabétologie, suivi après une fracture…), il est important que son médecin de province ou d’outre-mer lui ait fait un courrier qui permet justement de prendre un rendez-vous dans ce type d’hôpital.

Sorbonne Paris Nord : l’ex Université de Paris XIII en Seine-Saint-Denis

Université de Sorbonne Paris Nord : https://www.univ-spn.fr/qui-sommes-nous/

Attention ! Le lobbying a été tellement puissant à Paris dans certains milieux que dans l’Université de Panthéon-Assas existent des formations privées et payantes (comme l’ISIT), c’est la même chose dans l’HESAM qui vient d’annoncer sur son site sa transformation à compter de demain !

Conclusion ?

Je suis consternée par cette complexité et cette opacité d’un système qui n’ose pas ouvertement organiser une sélection académique des étudiants en Première année.

La réforme Devaquet a été abandonnée en 1986 et personne n’a eu le courage depuis de dire qu’il fallait une véritable sélection après le Bac, comme partout dans le monde, tout en développant un système de passerelles et de formation continue pour permettre à ceux qui n’ont pas été sélectionnés, n’ont pas pu faire des études sérieuses au bon âge, d’en faire plus tard pour élever leur niveau de connaissance et monter en qualification sur le plan professionnel.





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